jeudi 22 février 2007

L’affaire « Rencontres 2000 » : une nouvelle décision en faveur de la responsabilité civile !

"TGI Paris, 13 février 2007, Laurent C... c/ Google"

Les liens commerciaux ne s’arrêtent pas de défrayer la chronique judiciaire depuis plus d’un an. L’on connaît les fameuses affaires « Vuitton », « Overture », « Gifam », « Citadines » ou encore « OneTel » qui laissent paraître une contradiction dans la jurisprudence française relative aux liens sponsorisés. Ainsi, deux approches juridiques de la responsabilité des fournisseurs de liens commerciaux s’opposent. La première d’entre elles, guidée par la cour d’appel de Paris, consiste en ce que le fournisseur de liens - généralement la société Google – soit responsable au titre de la contrefaçon de marque lorsque l’un des clients de son service Adwords utilise la marque d’un tiers. La seconde approche, défendue parle TGI de Paris, rejette pour sa part le fondement de la contrefaçon pour consacrer celui de la responsabilité civile de droit commun de l’article 1382 du Code civil. Ainsi, en ne prenant pas les précautions adéquates, un fournisseurs de liens sponsorisés est susceptible de commettre une faute au sens de l’article précité engageant sa responsabilité. Pour plus de détails sur ces contradictions jurisprudentielles, je vous renvoie vers plus de développements sur le site du Cejem.
Dans cette nouvelle affaire « Rencontres 2000 », le TGI de Paris a rendu une décision le 13 février dernier dans laquelle il confirme son attachement à la seconde position. En l’espèce, un dénommé Laurent C... avait enregistré le nom de domaine « rencontres2000.com » et déposé la marque correspondante pour des services de rencontre. Pourtant, lorsqu’un internaute rentrait le mot-clé « Rencontres 2000 » dans le moteur de recherche Google, un lien commercial vers son principal concurrent, la société Ilius gérant le site Meetic, apparaissait à droite des résultats de recherche.
Face à ces faits, aujourd’hui très classiques, le TGI de Paris relève dans un premier temps la qualité de « régie publicitaire » à l’encontre de Google, écartant ainsi le régime de responsabilité allégée des intermédiaires techniques. Concernant la contrefaçon, les juges de Paris affirment que « Que force est de constater que les services exploités par la société Google ne sont ni identiques, ni similaires aux services exploités par monsieur C. au travers de sa marque ; Qu’aucun acte de contrefaçon ne peut donc être retenu tant par reproduction que par imitation, une des conditions imposées tant par l’article L 713-2 que L 713-3 n’étant pas remplie ». Dès lors, les juges de Paris observent un raisonnement similaire à celui qu’ils ont tenu dans les affaires « Gifam » et « Citadines » (référé). Allant plus loin d’en leur ténacité, ils réaffirment leur conception originale des liens commerciaux, en totale opposition à la cour d’appel, fondée sur la responsabilité civile de droit commun : « Attendu que l’argument de la société Google selon lequel elle ne serait pas en mesure de connaître si les signes litigieux sont protégés ne saurait convaincre le Tribunal, la société Google se devant de mettre en oeuvre une procédure de contrôle des mots clés qu’elle suggère ; qu’en n’ayant effectué aucun contrôle préalable du mot clé Rencontres 2000 et susceptible de porter atteinte aux droits détenus par monsieur C. et en permettant ainsi à un concurrent de ce dernier d’orienter l’internaute vers son propre site, la société Google a manifestement engagé sa responsabilité civile et ce sans qu’il soit nécessaire d’étudier les autres moyens invoqués de ce chef ». Aux termes de cette décision, Google devra payer 10000€ de dommages et intérêts pour le préjudice causé à Laurent C....
Ainsi, si les liens commerciaux suscitent un certain agacement de la part des détenteurs de droit sur les marques utilisées en tant que mots-clés, ils génèrent aussi des frictions entre les juridictions françaises qui, semble-t-il, ne sont pas prêtes à se résoudre. Toutefois, les juges de la cour d’appel de Paris, partisans du fondement de la contrefaçon, semblent dépassés ces derniers temps par l’accumulation des décisions du TGI de Paris confirmées depuis l’affaire « OneTel » par le TC de la même ville. N’oublions pas, cependant, que ces différentes affaires ayant suscité une décision en première instance, ont de grandes chances de se poursuivre en appel devant... la cour d’appel de Paris. Faites vos jeux...

Aucun commentaire: