lundi 30 avril 2007

Le congrès américain vole au secours des Webradios !

Deux membres de la Chambre des représentants du Congrès américain, le démocrate Jay Inslee et le républicain Donald Manzullo ont déposé un projet de loi intitulé « Internet Radio Equality Act ». L’objectif de cette loi est de revenir sur une récente décision du Copyright Royalty Board (CRB) visant à tripler les redevances des webradios relatives aux droits d’auteur. Cette décision devrait entrer en vigueur le 15 mai prochain qui est désormais surnommé : « Le jour où la musique mourra »... Ainsi, cette augmentation vertigineuse de la redevance a fait un tollé auprès des éditeurs de radios par internet à l’image de Kurt Hanson, fondateur de AccuRadio qui a déclaré : « Presque toutes les webradios devront fermer si l’on ne revient pas sur cette décision ». Pour sa part, Jay Inslee, principal architecte de ce projet de loi a souligné que « L’on ne peut instituer un goulet d’étranglement économique à cette force démocratique émergente ».
En fait, le principal point de fixation des critiques des dirigeants de webradios est la rupture manifeste d’égalité entre les webradios, les radios classiques et celles émettant par satellite. Dès lors, cette proposition de loi a pour objectif d’aligner le coût des redevances pour toutes les radios indépendamment de leur technique d’émission : toutes auront le choix entre (i) payer une redevance à hauteur de 7,5% de leur bénéfice ou bien s’acquitter de 33 cents par heure et par auditeur. Pour sa part, le principal opposant à ce projet de loi, SoundExchange, organisation rassemblant des titulaires de droits, estime que « Le Congrès devrait accorder peu de crédit à ces pleurnicheries de la communauté des webradios qui craignent l’issue d’un procès loyale sur ce sujet ».
Au final, au milieu de cette guerre ouverte sur fond de débats parlementaires entre éditeurs de webradios et titulaires droits, il est intéressant de souligner que l’intention implicite du législateur américain par ce projet de loi est d’aboutir à une relative neutralité technologique en matière de radio. Rappelons que la neutralité technologique est un principe juridique au fondement plutôt floue qui veut que toute législation prenne en compte uniquement la nature du service de communication et non la technique ou les canaux qui permettent son acheminement (analogique ou numérique ; hertzien ou satellite etc...). En Europe, ce principe semble de plus en plus guider les évolutions du droit de la communication. Par exemple, le projet de révision de la directive « Télévision Sans Frontière » (TSF) proposé le 13 décembre 2005 étend le champ d’application de ce texte à tous les services linéaires indépendamment de la technique utilisée. Dans une approche prospective, il semble vraiment que la pleine reconnaissance de ce principe juridique constitue l’avenir du droit de la communication. Et il serait peut-être pertinent de l’intégrer comme tel dans les législations tant américaines que européennes pour pouvoir annuler des décisions telles que celle du Copyright Royalty Board. Toutefois, une telle situation, pour judicieuse qu’elle puisse paraître, conduirait à un relatif enfermement des législateurs qui ne pourraient prévoir de solutions spécifiques pour certains secteurs définis par la technologie usitée. Dès lors, il serait impossible, par exemple, de favoriser un temps les webradios – ou autres secteurs émergents - pour leur permettre de développer rapidement une offre rentable... Trop d’égalité entre les services peut aussi nuire à l’innovation...

vendredi 27 avril 2007

Liens commerciaux : le dénouement de l’affaire « Zale.com »

A l’instar de l’actualité juridique française, les contentieux en matière de liens commerciaux aux Etats-Unis se suivent mais ne se ressemblent pas... du moins pas toujours. En l’espèce, le propriétaire de la marque « The Dating Ring » avait engagé une action contre la société « Zales.com » sur le fondement de la contrefaçon de marque, cette dernière ayant fait l’acquisition du mot-clé « dating ring » pour ses diverses campagnes de publicités ciblées organisées via les moteurs Google et Yahoo !. Pour sa défense, Zales.com rappela au juge la décision rendue le 30 mars 2006 dans l’affaire « Merck » dans laquelle l’achat d’un mot-clé protégé au titre d’une marque ne fut pas considéré comme une contrefaçon. De plus, elle souligna l’absence de toute reproduction de la marque « dating ring » sur un de ses produits ou sur son site web.
Cette argumentation aurait pu convaincre le juge new-yorkais devant lequel l’affaire était présentée si un fait particulier n’était pas venu faire la différence dans cette espèce par rapport aux affaires « Merck » et « Rescuecom » mentionnées en tant que précédents jurisprudentiels. En effet, lorsqu’un utilisateur entrait le mot-clé « dating ring » dans le champ de recherche, la publicité en faveur de Zales.com s’affichant sur la droite de l’écran reproduisait dans le corps du texte la marque protégée. Ainsi, si la jurisprudence a pu conclure par le passé à une absence de contrefaçon dans les affaires précitées, les annonceurs visés n’avaient jamais reproduit la marque protégée au sein même de leur message publicitaire à l’inverse de Zales.com. Cette condamnation paraît alors fondée puisqu’en l’espèce, l’usage fait de la marque pouvait gravement nuire à la détermination de l’origine des produits proposés. Pour Eric Goldman, professeur de droit à l’Université de Santa Clara et partenaire de Spiderlaws.com, « cette décision valide implicitement la politique de Google qui laisse les annonceurs acheter des mots-clés protégés au titre du droit des marques et condamne, en revanche, l’utilisation de marques protégées dans le texte des publicités référencées ». D’ailleurs, il n’a pas manqué de souligner que sous l’empire de la nouvelle loi adoptée par l’Utah, une telle affaire aurait mené à une décision différente puisque ce texte permet aux titulaires de droits sur une marque de s’opposer à son utilisation en tant que mots-clés, sans même se soucier de l’usage ou non de cette marque dans le texte de la publicité référencée. Enfin, concernant les conséquences probables de cette décision « Zales.com », il convient de ne pas être catégorique en ce sens que toute utilisation d’une marque protégée dans le corps de texte de la publicité n’est pas immanquablement constitutive d’une contrefaçon. En effet, une publicité proposée par un site de comparaison de produits dans laquelle apparaîtraient des marques protégées ne devrait pas être considérée comme une contrefaçon par une juridiction américaine.
Au final, cette nouvelle décision ajoute une pierre à l’édifice du droit positif américain en matière de liens commerciaux. En comparaison avec la jurisprudence française en la matière, une relative sécurité juridique semble être de plus en plus atteinte Outre-atlantique. Toutefois, le principe posé par les arrêts « Merck » et « Rescuecom » et implicitement confirmé dans cette nouvelle affaire selon lequel « l’achat d’un mot-clé protégé au titre du droit des marques ne constitue pas en lui-même une contrefaçon » pourrait encore être remis en cause. A l’appui de cette incertitude, il convient de faire référence à la décision rendue, le 18 avril dernier, par le juge californien Jeremy Fogel dans l’affaire « American Blind & Wallpaper Factory » qui est beaucoup moins catégorique sur l’exclusion de principe de la contrefaçon marque en cas d’achat de mots-clés éponymes.

jeudi 26 avril 2007

Données génétiques : une dimension européenne au Traité de Prüm

15 pays de l’Union européenne ont demandé à ce que le dernier traité international relatif à l’échange de données génétique soit « chapoté » par le droit communautaire. Plus précisément, il s’agit du Traité de Prüm signé le 27 mai 2005 en dehors du cadre de l’Union Européenne par la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Autriche. Suite aux attentats de Madrid survenus en 2004, ce texte a eu pour objectif de renforcer la coopération transfrontalière en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité et l’immigration illégale. Un des points centraux du traité est de prévoir une procédure spécifique d’échange de données ADN entre les Etats signataires. Ainsi, en quelques minutes les services de police d’un Etat signataire peuvent consulter ces informations génétiques recueillies sur les lieux d’un crime aux fins de comparaison. Toutefois, l’individualisation de ces données ne peut être effectuée qu’après une procédure plus longue d’entraide judiciaire afin de préserver les libertés individuelles. Ce traité vient de faire l’objet, le 14 février 2007, d’un projet de loi visant sa ratification par la France.
Depuis, dans une décision n°2007/C 71/13 du 28 mars dernier, les 7 Etats membres déjà signalés, accompagnés en cela par 8 autres, ont manifesté leur intention d’adopter des mesures supplémentaires à ce traité dans le cadre des instances communautaires afin d’assurer une plus grande protection de leurs citoyens. L’objet de cette initiative est d’ailleurs parfaitement explicite dans le considérant n°19 de cette décision : « Etant donné que les objectifs de la mesure envisagée, notamment l’amélioration des échanges d’informations dans l’Union européenne, ne peuvent pas être réalisés de manière satisfaisante par les Etats membres agissant isolément, en raison du caractère transnational de la lutte contre la criminalité et des questions de sécurité, et peuvent donc en raison de l’interdépendance des Etats membres dans ces domaines être mieux réalisé au niveau communautaire ». Cette démarche s’inscrit dans un projet déjà proposé par la présidence allemande de l’Union Européenne visant à créer un cadre réglementaire européen pour la protection des données personnelles dans le domaine de la police. Peter Hustinx, superviseur à la protection des données de l’UE a déclaré que « La protection des données joue un rôle important dans le traité de Prüm et chaque disposition de ce texte a été très sérieusement rédigée » avant d’ajouter « Toutefois, il demeure des points spécifiques et prioritaires dans la protection des données qui n’ont malheureusement pas été adopté ». Ainsi, cette décision des Etat membre a revient par exemple sur le fait que « les données indexées ne contiennent que les profils ADN issus de la partie non codante [...] les données indexées ne contiennent aucune données permettant l’identification directe de la personne concernée ».
Au final, cette décision cadre de l’UE permet une protection supplémentaire pour les citoyens des Etats signataire du Traité de Prüm et entraîne parallèlement une sorte d’absorption de ce texte à vocation internationale dans la sphère européenne. Cette conséquence est peut-être finalement plus heureuse car en matière de données personnelles comme en matière de souveraineté les compromis et les visions convergentes sont difficilement réalisables à grande échelle. L’Europe n’est finalement pas si inutile que cela malgré les critiques récurrentes dont elle fait aujourd’hui l’objet...

décision n°2007/C 71/13 du 28 mars 2007
(format pdf)

mercredi 25 avril 2007

La Floride, bastion de la lutte contre la cybercriminalité !

L’évènement est assez rare pour le signaler. Jusqu’à aujourd’hui, l’on connaissait en France, la journée anti-tabac ou la journée de la femme... La Floride innove : la semaine anti-cybercriminalité, traduction non littérale de « Cybercrime Awareness Week ». A l’initiative du procureur général de cet Etat, Bill McCollum et du gouverneur Charlie Crist cet évènement aura lieu chaque année pendant la troisième semaine d’avril. Au menu de cette semaine de prise de conscience du phénomène de la cybercriminalité, des conférences, des formations et tout un tas d’activités censées éclairer le citoyen face aux dangers situés au bout de sa connexion. « La criminalité informatique est une acticité nouvelle, très sophistiquée et en rapide croissance en Floride et menace particulièrement nos enfants » a déclaré McCollum. En effet, selon une étude du « National Center for Missing and Exploited Children », 77 millions d’enfants utilisent internet quotidiennement et un septième des enfants américains âgés de 10 à 17 ans connaissent des sollicitations sexuelles en ligne. Dans ce tableau inquiétant, la Floride est classée en 4e position en volume de pornographie infantile via les réseaux... Toutefois, si le thème pour cette première semaine anti-cybercriminalité est la pornographie infantile sur internet, le procureur McCollum a rappelé aux habitants de Floride que la cybercriminalité couvre bien plus que cela. En effet, l’innovation des criminelles de l’internet ne cesse de grandir et d’autres domaines s’avèrent inquiétants comme la fraude, le vol d’identité et surtout... la délinquance vis-à-vis du troisième âge.
Néanmoins, la protection de l’enfance semble être devenu un des sujets de préoccupation les plus importants des Etats-Unis avec les représentants de l’Etat de Floride comme plus fervents défenseurs. En effet, ces derniers ont été à l’initiative d’une proposition de loi dénommée « CyberCrimes Against Children Act of 2007 » qui crée une vingtaine de délits nouveaux contre la pédophilie en ligne. Pour exemple, ce texte créerait un délit spécifique punissant tout individu qui rencontre un mineur sur internet et lui fixe un rendez-vous physique dans l’objectif d’abuser sexuellement de celui-ci. Cette nouvelle incrimination n’est d’ailleurs pas sans rappeler le nouveau délit créé par la loi du française du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance dans un article 227-22-1 du Code pénal : « Le fait pour un majeur de faire des propositions sexuelles à un mineur de quinze ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende. Ces peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75000 euros d’amende lorsque les propositions ont été suivies d’une rencontre ». Toutefois, les Etats-Unis et surtout la Floride ne comptent pas s’arrêter à un seul alourdissement de leur dispositif pénal. Ainsi, McCollum, procureur général de Floride, est aujourd’hui fier du travail effectué sur le terrain par la « Child Predator CyberCrime Unit » qui regroupe 6 membres travaillant exclusivement sur le problème de pédophilie en ligne. En moins de deux ans, cette unité a permis l’arrestation de 40 individus qui se sont vus reprocher d’être à l’origine de la création, de la détention et de la distribution de vidéos pédophiles ou qui ont sollicité sexuellement des mineurs via internet. Dès lors, le mot d’ordre du « Sunshine State » est répression mais aussi efficacité.
En définitive, il est intéressant de voir qu’Outre-atlantique, le parquet et divers magistrats s’investissent pour des causes justes. En France, très rares sont ceux qui mènent une action si importante et efficace notamment en matière de nouvelles technologies. Pourtant, la police et le législateur français auraient bien besoin de l’aide de leurs magistrats – souvent d’expérience – pour lutter au jour le jour contre les nouvelles formes de criminalité...

mardi 24 avril 2007

Etats-Unis : Encore un projet de loi anti-spyware...

Pour la troisième fois, des membres de la chambre des représentants ont proposé un projet de loi de lutte contre les spywares intitulé naturellement « Spy Act ». Rappelons qu’un spyware est un logiciel espion qui, à l’insu de l’utilisateur, s’introduit dans un ordinateur afin de collecter et de transmettre à des tiers, des informations sur l’environnement dans lequel il est installé. Ainsi, le projet de loi aura pour but de rendre illégal l’utilisation de tels logiciels par des entreprises ou des particuliers. Plus précisément, cette loi interdirait à quiconque de collecter des informations personnelles et de surveiller les activités effectuées sur un ordinateurs sans le recueil du consentement préalable de la personne concernée. Dès lors, nombre de comportements dangereux tels que le phishing ou encore certains spams tomberont aussi sous le coup de cette loi. Ces violations seront considérées comme des délits civils et pourront faire l’objet de dommages-intérêts punitifs allant jusqu’à 3 millions de dollars.
« Les technologies évoluant, il est impératif que le gouvernement demeure conscient des dommages potentiels liés à l’utilisation de ces technologies. Protéger les internautes de logiciels dangereux qui peuvent voler leur identité, s’introduire dans leur ordinateur ou tout simplement les importuner est une priorité essentielle » a déclaré John D. Dingell, responsable du « Committee on Energy and Commerce ». Il convient toutefois de noter que en 2004 et 2005, la Chambre des représentant avait déjà essayé de faire passer des lois anti-spyware et le Sénat américain s’y était alors opposé. D’ailleurs, certains soulignent l’inutilité de cette loi en raison des pouvoirs de la Federal Trade Commission (FTC) qui peut prononcer des amendes contre les sociétés usant de telles pratiques. Enfin, cette loi pourrait bien mettre en péril l’utilisation – pourtant légale – d’adwares par certaines entreprises. Ces logiciels gratuits sont fournis en contrepartie d’une collecte d’informations qui sert à cibler la publicité en fonction des affinités de l’utilisateur. Celui-ci se voit proposé, lors de sa navigation sur internet, des publicités correspondant le plus possible à ses centres d’intérêts. Un tel procédé comporte une collecte d’informations qui devra alors être la plus transparente possible pour être conforme aux exigences du « Spy Act ».
En définitive, ce nouveau projet de loi est loin d’être une réalité juridique et devra passer au travers du filtre des sénateurs et surtout du lobby des publicitaires du net... qui n’est pas des moindres !

lundi 23 avril 2007

Election présidentielle : la défaite du vote électronique ?

Si les divers candidats ont joué leur avenir politique en ce jour du 22 avril 2007, le vote électronique a pour sa part joué son image parmi le grand public. Celle-ci n’était pas vraiment très rayonnante notamment depuis les expériences américaines qui ont connu leur lot de dysfonctionnements lamentables. Aujourd’hui, la France a pu à son autour ajouter un soupçon d’électronique dans sa vie citoyenne. Mais attention, rien de très innovant dans ce procédé si ce n’est de l’électricité dans l’isoloir. En effet, il convient de ne pas confondre vote électronique stricto sensu qui correspond à un vote par un réseau (tel qu’internet) et machine à voter qui sont des appareils disposés dans les mairies. Ce sont ces dernières qui ont été mises à l’honneur dans cette élection présidentielle française auprès de 1,5 millions d’inscrits dans 82 communes. Pour ce faire, un règlement technique du Ministère de l’Intérieur en date de 2003 a imposé le respect de pas moins de 114 normes pour un fonctionnement optimal de ces machines.
Pourtant, cette expérience n’a, semble-t-il, absolument pas été convaincante. Parmi les communes ayant été désignées pour le test électronique, Issy-les-Moulineaux a connu un encombrement sans précédent de ses bureaux de vote. Des files allant de ¾ d’heure à 1 heure et demi d’attente seraient à mettre au crédit des machines électroniques. A Reims des problèmes de branchement ont retardé l’ouverture du bureau de vote. Tout ceci sans compter la grogne des inscrits concernés et surtout leur méfiance vis-à-vis de la fiabilité des machines. D’ailleurs, Philippe de Villiers, candidat à l’élection présidentielle pour le MPF, a dénoncé cette « machine à tricher » qu’il a du utiliser dans son fief vendéen.
Ce mouvement de contestation s’était développé avant même l’utilisation du vote électronique. Ainsi, la semaine dernière, une pétition lancée sur internet a recueilli plus de 73000 signatures pour le maintien du vote papier. Par ailleurs, vendredi dernier, le TGI de Paris, saisi en référé a ordonné à une conseillère régionale PS de cesser de distribuer des tracts contre le vote électronique. Plus tôt dans la semaine, c’est le tribunal administratif de Versailles qui avait estimé que la non-conformité de certaines machines aux prescriptions du code électoral n’était pas un motif suffisant pour interdire l’usage du vote électronique dans cette élection présidentielle. Néanmoins, les opposants aux machines à voter compte bien faire un recours devant le Conseil d’Etat.
Depuis hier, toutes ces critiques n’ont fait qu’amplifier parmi les électeurs, les élus et les municipalités. Ainsi, la ville de Saint-Malo vient d’annoncer qu’elle abandonnerait le vote électronique pour le second tour. Mais le plus important est cette saisine du Conseil constitutionnel par Daniel Guérin, conseiller régional MRC d’Ile-de-France, annoncée hier soir, contre les dysfonctionnements de l’élection présidentielle corrélatifs à l’usage des machines électroniques. Selon lui, les ennuis causés par ces technologies sont à l’origine d’une violation du droit de vote des électeurs.
Décidemment, la République française n’est pas prête de composer avec l’électronique pour l’exercice des droits civiques de ses citoyens. Il convient de souligner que ce scandale est à mettre au crédit des machines électroniques et non du vote électronique stricto sensu via internet. Toutefois, si ces machines font l’objet de tant de craintes et de critiques, l’internet semble alors loin de pouvoir faire l’unanimité au sein d’électeurs peu confiants dans le progrès...

vendredi 20 avril 2007

Yahoo ! poursuivi par un prisonnier politique chinois...

Hier, Wang Xiaoning, un prisonnier politique chinois, a déposé une plainte contre Yahoo ! devant la cour fédérale du district nord de Californie basée à Oakland avec le concours de sa femme, Yu Ling, vivant à San Francisco. Il reproche au portail internet d’avoir aidé les autorités chinoises à l’identifier dans une affaire où il a été condamné à 10 ans de prison pour avoir réclamé des réformes démocratiques ainsi que la mise en place d’un système à plusieurs partis dans son pays... Selon le plaignant, le bureau de Yahoo ! basé à Hong Kong a fourni des informations à la police chinoise qui ont permis de l’identifier en échange, paraît-il, de dessous de table... Avec l’aide de la World Organization for Human Rights USA, les deux époux comptent bien obtenir réparation sur le fondement du « Alien Tort Claims Act » et du « Torture Victims Protection Act ».
Suite à cette plainte, un représentant de Yahoo ! a déclaré que sa société était « affligée par le fait que des citoyens chinois ont été emprisonnés en raison de l’expression de leurs idées politiques sur internet » avant d’ajouter que « toutefois, les sociétés présentes en Chine se doivent de respecter la loi chinoise pour éviter que leurs employés n’écopent de sanctions civiles ou pénales ». Une excuse un peu facile qui n’empêche pas le portail internet de souligner que le « Department of State » qui gère les relations avec l’étranger, devrait continuer à faire de la défense de la liberté d’expression une priorité dans ses relations avec la Chine. Ainsi, Yahoo ! renvoie la balle au gouvernement américain et s’estime exonéré de toute responsabilité à raison de ses activités chinoises.
Ce n’est pourtant pas l’avis de nombreuses ONG, et notamment Amnesty International et Reporters sans Frontières qui accusent régulièrement le portail d’aider des régimes totalitaires à sanctionner leurs « citoyens » aspirant à plus de libertés. D’ailleurs, cette nouvelle affaire n’est pas sans rappeler celle du prisonnier « Shi Tao » dans laquelle Yahoo ! a finalement été blanchi par le commissaire hongkongais chargé de la vie privée. Shi Tao avait, en effet, déposé une plainte dans laquelle il accusait Yahoo ! d’avoir violé sa vie privée en divulguant des informations aux autorités chinoises. Cependant, il ne faut pas seulement pointer du doigt Yahoo !, car Google et Microsoft ont eux aussi tendance à collaborer avec le régime de Pékin.
Rappelons qu’en janvier dernier, ces trois sociétés accompagnées par Vodafone, ont élaboré un projet de code de conduite relatif à la liberté d’expression, à la vie privée et aux droits de l’homme à destination de leurs activités en Chine. Ce code serait, selon elles, un outil les obligeant à rendre des comptes et à être plus responsables face aux internautes chinois. Apparemment, cette initiative est à ranger du côté des déclarations d’intentions entièrement creuses puisque - si les faits qui nous intéressent remontent à 2002 - Yahoo ! s’estime aujourd’hui absolument pas responsable de ses actes. Voilà une belle preuve de prise de responsabilité face aux externalités négatives occasionnées par ses activités économiques au sein de l’empire du milieu...

jeudi 19 avril 2007

L’Ontario se dote d’une législation contre le « cyber-bullying » !

Le « cyber-bullying » est un phénomène bien connu des anglo-saxons qui consiste en du harcèlement et des intimidations systématiques d’étudiants à l’encontre d’autres étudiants ou de professeurs. Dès lors, ce concept couvre un assez large éventail de faits comme le harcèlement par e-mails, la menace de personnes sur des forums, la mise en ligne de vidéos d’injures racistes envers une personne etc... Si l’on porte un regard plus analytique sur cette notion, il semble que la qualification de cyber-bullying soit indépendante tant à l’égard de la technologie utilisée (messagerie, forum, téléphone portable, plateforme de vidéos) qu’à l’égard du comportement de l’auteur (pourvu qu’il soit répréhensible). En fait, le point commun entre tous ces faits, qui permet de les fédérer sous une même qualification, réside dans la qualité des auteurs et des victimes qui doivent tous être liés au milieu scolaire au éducatif.
Si le 5 mars dernier, la France s’est dotée d’un dispositif de lutte contre le happy slapping – autre nouveau phénomène de l’internet - dans la loi sur la prévention de la délinquance, l’Ontario, province du Canada, a ajouté hier une nouvelle incrimination contre le cyber-bullying dans le Safe School Act de 2000. Aux termes de cet amendement, tout étudiant pourra être expulsé ou renvoyé de son établissement en cas de commission d’actes de cyber-bullying. Afin de justifier cette innovation juridique, la Ministre de la culture, Kathleen Wynne a déclaré qu’il était grand temps d’apprendre aux étudiants à prendre leurs responsabilités concernant leur comportement sur internet : « Le cyber-bullying n’est pas aujourd’hui constitutif d’une infraction et il est grand temps que nous reconnaissions la gravité de ce type de comportement ». Elle n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler cette récente affaire dans laquelle des étudiants d’un lycée de la banlieue de Toronto ont posté des commentaires injurieux à l’encontre de leur principal sur un site internet avant de se plaindre d’une atteinte à leur liberté d’expression suite à leur expulsion. Pour sa part, Dalton McGuinty, premier ministre de l’Ontario a déclaré : « Que vous ayez ce genre de comportement via les dernières technologies du net ou en personne ou encore par un ancien téléphone, cela cause autant de peine et de souffrance ».
Ce constat – très partagé lorsque de nouveaux comportements néfastes émergent sur les réseaux – mène finalement à une relative « neutralité de la technologie dans le processus délictuel ». Sous cette expression pompeuse, il faut entendre le fait que la délinquance des réseaux est, dans bien des hypothèses, identique à celle du monde réel à ceci près que des moyens technologiques sont utilisés. D’ailleurs, ceci se vérifie particulièrement bien dans le cas du cyber-bullying qui correspondant à l’exportation du harcèlement, des menaces et des intimidations dans le monde virtuel. Mais alors, pourquoi créer de nouvelles incriminations toutes les fois que des comportements délictueux classiques s’invitent dans les réseaux ? L’on ne peut qu’y voir une forme de surenchère législative. Et il serait peut-être plus pertinent de recourir aux délits existants dans le monde réel dans les hypothèses où ils sont commis par la voie du numérique au risque de prendre quelques distances avec le principe d’interprétation stricte de la loi pénale. Ce n’est apparemment pas l’option retenue par les législateurs et notamment dans les pays de droit écrit comme la France. Pourtant, si une conclusion peut-être tirée en matière de droit des nouvelles technologies malgré la jeune expérience de ce domaine, c’est bien qu’il est toujours préférable d’adapter jurisprudentiellement les notions juridiques existantes plutôt que de créer systématiquement des nouvelles dispositions, obsolètes dès leur entrée en vigueur. Toutefois, cette solution a le désavantage de ne pas permettre un effet d’annonce au profit des gouvernements souhaitant montrer qu’ils ne sont pas dépassés par les réseaux...

mercredi 18 avril 2007

Microsoft dénonce une violation des lois antitrust par Google et DoubleClick !

Jamais l’expression « se moquer du monde » n’a eu autant de signification ! Suite à l’annonce – très médiatisée –, vendredi dernier, du rachat de DoubleClick, géant de la publicité sur internet, par Google, des voix se sont élevées face à cette fusion. Au premier rang de celles-ci se trouve Microsoft qui convoitait depuis de longue date DoubleClick pour enfin peser face à Google en matière de publicité ciblée. En effet, cette régie publicitaire est un acteur prépondérant au sein des régies publicitaires qui embauche plus de 1000 salariés dans 17 pays au monde. Ainsi, ce pieds de nez de Google qui a effectué la plus haute transaction de son histoire avec 3,1 milliards de dollars déboursés, est difficile à digérer pour la firme de Redmond. Après une telle défaite sur le terrain des affaires, Microsoft n’avait plus qu’une solution : se lancer sur le terrain judiciaire.
Bradford Smith, directeur juridique de Microsoft, a lancé un appel à la Federal Trade Commission (FTC) et au « Department of Justice » afin qu’ils interviennent dans ce deal. Selon lui, « Ce projet d’acquisition risque d’être extrêmement problématique au regard des lois sur la concurrence et de celles relatives à la vie privée en ce que le duo formé par Google et DoubleClick mène à un contrôle sans précédent de la publicité en ligne et à une concentration gigantesque de données relatives aux habitudes des consommateurs sur internet ». Pour sa part, Eric Schmidt, PDG de Google a démenti ces propos en ces termes : « Nous avons beaucoup étudié la question et cette plainte n’est absolument pas fondée ». Suite à cette déclaration, AT&T, géant américain des télécoms, s’est rallié à la cause de Microsoft. James Cicconi, son vice-président, a déclaré qu’« il est souhaitable que les autorités de régulation et de contrôle des concentrations se penchent sérieusement sur cet accord et sur ses implications ».
Il est particulièrement agaçant de voir AT&T, qui a bénéficié d’un monopole sur les télécommunications américaines pendant plus d’un demi siècle, et Microsoft, une des sociétés les plus poursuivies sur le fondement des lois antitrust, s’inquiéter du degré de concurrence sur le marché de la publicité en ligne. Mais les affaires sont les affaires et mieux vaut le ridicule que d’abandonner la lutte pour l’un des marchés les plus porteurs de la nouvelle économie. D’ailleurs, les dirigeants de Google ont eux aussi, il y a peu, attaqué Microsoft sur ce terrain là. En effet, l’année dernière, ils se sont plaints que le navigateur Internet Explorer proposait aux internautes le moteur de recherche MSN Live Search par défaut. Toutefois, les instances chargées du contrôle de la concurrence ont rejeté cette plainte.
Dans cette nouvelle affaire, la FTC ou le Department of Justice – qui partagent des compétences complémentaires en matière de lutte contre les concentrations – devront déterminer le marché exact sur lequel Google et DoubleClick évoluent. Pour Andrew I. Gavil, professeur à l’Université de Howard située à Washington, il est très probable que l’examen de la question démontre que les deux sociétés ne sont pas sur un marché identique mais sur des marchés complémentaires. Dès lors, tout le problème sera de mesurer le degré de difficulté dans la pénétration de ces marchés par un nouvel entrant. Au sein de Google, David Drummond, vice-président du développement chez Google, se dit confiant dans une approbation rapide des autorités de régulation de la concurrence.
Au final, cette affaire décrédibilise une nouvelle fois Microsoft qui se place en protecteur de l’ordre public et du respect des lois depuis que Google lui fait de l’ombre. Le mois dernier, ce fut sur le terrain du respect des droits d’auteur que la firme de Seattle a critiqué le moteur de recherche. Toutes ces entreprises de déstabilisations juridiques sont sans doute révélatrices d’une crainte de plus en plus profonde face à l’ascension de Google. Pourtant, Microsoft doit reconnaître un bienfait de cette hégémonie : il semble que Google lui a subtilisé la place d’ennemi juridique n°1...

mardi 17 avril 2007

Etats-Unis et Chine en croisade contre la pornographie en ligne

Au-delà de leur place privilégiée de le classement des puissances économiques mondiales, la Chine et les Etats-Unis partagent un autre point commun depuis peu : la lutte contre la pornographie en ligne. Jeudi dernier et par une étrange coïncidence, des élus de Pékin et de Washington ont annoncé leur intention respective de durcir la politique de censure à l’égard des sites pornographique.
Ainsi, selon l’agence de presse Xinhua News, le ministre chinois de la sécurité publique, Zhang Xinfeng, a annoncé jeudi dernier le lancement d’un plan de lutte contre les sites pornographiques sur le réseau. Ce phénomène « a contaminé le cyberespace et perverti les esprits des jeunes Chinois » a-t-il déclaré. Ainsi, une campagne s’échelonnant sur 6 mois aura pour objet de s’attaquer aux sites comportant des images, des vidéos et même des textes sexuellement explicites. En fait, cette nouvelle censure s’inscrit dans une perspective plus large de lutte contre les vices de l’internet tels que les jeux ou la contrefaçon. Et la Chine veut ainsi se doter de nouveaux outils pour protéger ses jeunes internautes. Pourtant, il semble qu’elle n’en était pas dépourvue en la matière. En effet, en novembre 2006, Chen Hui, gérant d’un site stockant 9 millions d’images pornographiques accessibles par 600000 utilisateurs inscrits, a écopé de la prison ferme à vie !!!... Dès lors, il s’avère difficile d’entrevoir un quelconque laxisme dont ferait preuve le droit positif chinois et il semble que, dans cette histoire, la Chine a ses raisons que la raison ignore...
Le même jour, de l’autre côté du Pacifique, les Etats-Unis ont aussi montré de la préoccupation concernant la pornographie sur internet. Deux sénateurs démocrates, Mark Pryor de l’Arkansas et Max Baucus du Montana, ont déposé une proposition de loi visant un contrôle accru des sites pornographiques. Dénommée « Cyber Safety for Kids Act of 2007 », cette loi obligerait ces sites à déclarer leur caractère pornographique à l’ICANN lors de l’enregistrement d’un nom de domaine et à garantir au « US Department of Commerce » qu’ils mettent en place un accès réservé aux majeurs et qu’ils fournissent des moyens technologiques de filtrage aux internautes (notamment les parents) etc... En cas de non respect de ces obligations, une amende pourra être prononcée à leur encontre par la « National Telecommunications & Information Administration » (NTIA). A l’appui de cette proposition, le sénateur de l’Arkansas a cité une étude de la « Kaiser Family Foundation » (KFF) qui a démontré que 90% des jeunes américains âgés de 8 à 16 ans se sont rendus sur des sites pornographiques et notamment à partir du poste familial. Un argument qui, selon le sénateur, devrait convaincre les parlementaires. Toutefois, si cette proposition s’avère retenue par le législateur américain, il faudra qu’elle passe à travers les réticences des juges, très soucieux des libertés individuelles de ce côté de l’Atlantique. En effet, il est fort à parier qu’elle connaisse le même sort que le « Communication Decency Act » (CDA) partiellement invalidé par la Cour suprême dans une décision du 26 juin 1997 (Reno vs American Civil Liberties Union) de même que le « Child Online Protection Act » (COPA) par une décision du 30 juin 2004 (Ashcroft vs American Civil Liberties Union).
Ainsi, un vent de censure souffle tant sur l’Orient que sur l’Occident en matière de pornographie sur l’internet. Il ne manque plus qu’un nouveau projet de directive proposé par Bruxelles pour compléter cette tendance internationale. Mais sur ce point, les instances européennes semblent plus libérale – au sens premier du terme – que leurs partenaires internationaux. Surtout, le temps d’une concertation des instances communautaires plus le délai de transposition – souvent interminable – des pays membres, les Etats-Unis et la Chine auront tout le loisir de changer nombre de fois leur politique en la matière...

lundi 16 avril 2007

CNIL : 30000 euros d’amende pour Tyco Healthcare

Après une amende infligée au Crédit Lyonnais à hauteur de 45000 euros au cours de l’année 2006, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) vient d’atteindre un second record avec une amende de 30000 euros pour la société Tyco Healthcare, fabricant de matériel médical. A l’origine de cette amende se trouvent des informations erronées fournies par cette société à la CNIL sur un fichier international de gestion des ressources humaines. La CNIL avait en effet été assurée par Tyco que le fichier en question n’était plus utilisé alors que des contrôles sur place ont montré le contraire : une actualisation et une mise à jour régulière de ce fichier concernant 450 salariés. Pour justifier cette amende élevée, la CNIL constate que TYCO n’a « manifestement pas pris la mesure des manquements graves, pouvant constituer une infraction pénale d’entrave, qui lui étaient reprochés ».
Ce délit d’entrave est celui prévu par l’article 51 de la loi du 6 janvier 1978 qui dispose que « Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende le fait d'entraver l'action de la Commission nationale de l'informatique et des libertés : [...] 3° Soit en communiquant des informations qui ne sont pas conformes au contenu des enregistrements tel qu'il était au moment où la demande a été formulée ou qui ne présentent pas ce contenu sous une forme directement accessible ». Ainsi, l’amende pénale prévue par la loi informatique et libertés est inférieure à l’amende administrative prononcée en l’espèce par la CNIL. Toutefois, cette sanction n’en est pas pour autant illégale puisque au-delà du fait qu’elle est de nature administrative (donc non soumise aux prévisions de l’article 51 L.1978), l’article 47 de la même loi permet à l’autorité administrative indépendante (AAI) de prononcer une sanction pécuniaire jusqu’à un montant de 150000 euros. Dès lors, la CNIL est loin de son maximum légal et cette sanction à l’égard de Tyco paraissant sévère au premier abord est finalement assez clémente. En effet, une chose est de ne pas vouloir se soumettre au contrôle, une autre est de fournir des informations erronées et, ce faisant, faire preuve d’un comportement inacceptable. Cet exemple vient une nouvelle fois confirmer l’intelligence du législateur qui par la loi du 6 août 2004 a renforcé de façon notable les pouvoirs de la CNIL. L’efficacité du travail de cette autorité était sans doute à ce prix !

vendredi 13 avril 2007

La dernière loi fantaisiste de l’Utah sur les liens commerciaux

Si l’Utah est la patrie des mormons, c’est aussi l’Etat spécialiste des lois originales – pour ne pas dire fantaisistes – dédiées aux problématiques de l’internet telles que la pornographie ou les spywares. Cette caractéristique lui attire régulièrement les foudres des associations de défense des libertés des internautes et aussi des juristes, avec le professeur de droit Eric Goldman de l’Université californienne de Santa Clara comme plus fervent détracteur.
Dernier en date, le « Trademark Protection Act » du 19 mars 2007, approuvé par le gouverneur de l’Utah Jon Huntsman, Jr., a fait l’effet d’une véritable bombe tant chez les juristes américains que parmi les moteurs de recherche et autres plates-formes publicitaires spécialistes de la publicité ciblée. Le point central de cette loi est la création d’une sorte de nouveau droit de propriété intellectuelle désigné sous le terme de « marque électronique » (electronic registration mark). Cette nouvelle prérogative permet à toute entreprise de déposer « un mot, un terme ou un nom » en tant que marque électronique afin d’empêcher toute autre société à l’utiliser en tant que mot-clé à des fins publicitaires. Au-delà du fait que cette loi autorise le dépôt de presque tous les mots – même génériques tels que voiture ou livre -, elle condamne surtout le système des mots-clés et a fortiori des liens commerciaux ou encore le fonctionnement des sites de commerce électronique utilisant un référencement par mots-clés de leurs produits (du type Amazon). En outre, fiers de leur trouvaille, les représentants de l’Utah ont étendu le champ d’application de cette loi à toute publicité pouvant être visionnée dans cet Etat... autant dire toutes les publicités présentes sur internet. L’on n’avait pas vu une innocence et une naïveté aussi pures en droit international privé de l’internet depuis l’an 2000 ! Mais comment cet Etat a-t-il pu voter une loi aussi dramatiquement farfelue ?...
Ce n’est pas faute d’avoir été mis en garde par un certain nombre de conseillers juridiques. Plusieurs spécialistes ont souligné les risques d’inconstitutionnalité au législateur de l’Utah. En effet, la Constitution américaine réserve la régulation des échanges entre les Etats au gouvernement fédéral. D’ailleurs, Google souhaite soulever l’inconstitutionnalité de cette loi devant les tribunaux même si ses dirigeants ont signalé qu’ils négocieraient avec le gouverneur de l’Utah avant toute bataille judiciaire. De son côté, Corynne McSherry, avocate travaillant pour le compte de l’Electronic Frontier Foundation (EFF), a souligné la défectuosité de cette loi avant d’ajouter que « Cette loi n’est pas seulement préjudiciable à Google. Elle l’est aussi pour les consommateurs qui bénéficient d’outils de comparaison efficaces avec ces publicités ».
Ainsi, l’espérance de vie de cette loi semble bien compromise face au consensus suscité par les critiques virulentes et cette solution miracle face aux problèmes des liens commerciaux a toutes les chances de tomber aux oubliettes. Rappelons que les liens commerciaux font aussi l’objet de débats juridiques en France où la jurisprudence adopte des solutions différentes voire contradictoires. Pour certaines juridictions, la reproduction de marques déposées via des mots-clés s’analyse en de la contrefaçon (V. notamment, CA Paris, 28 juin 2006, Vuitton Malletier c/ Google) alors que pour d’autres en une faute engageant la responsabilité civile du fournisseur de liens (V. notamment, TGI Paris, ord., 11 octobre 2006, Citadines c/ Google). Quant aux solutions proposées, citons parmi d’autres la mise en place de liens hypertextes permettant aux annonceurs de consulter les registres français de marques (TGI Paris, 12 juillet 2006, Gifam c/ Google)... ce que Google a d’ailleurs mis en place promptement. Du côté des solutions doctrinales, signalons la proposition de Luc Grynbaum, professeur de droit à l’Université Paris V, de créer un code de bonne conduite applicable aux liens commerciaux (RLDI 2007/23, p.61). Mais si les liens commerciaux suscitent aussi des solutions spécifiques en France, celles-ci sont toutefois très raisonnable comparées au « Trademark Protection Act » de l’Utah !... Tout le monde n’a pas la capacité de faire de l’humour juridique...

jeudi 12 avril 2007

Google et l’AFP trouvent un terrain (pécuniaire) d’entente !

En mars 2005, l’Agence France Presse (AFP) avait assigné Google aux Etats-Unis et en France pour la violation de ses droits d’auteur consécutive à la publication sur les services Google News et Google Actualités d’extraits d’articles de ses journalistes ainsi que des photos associées. Elle demandait au total un montant de 17,5 millions de dollars de dommages-intérêts. Pourtant, vendredi dernier, l’AFP a annoncé qu’elle a trouvé un accord avec Google et qu’elle abandonne de ce fait toutes les poursuites engagées contre le moteur de recherche. Google peut donc se réjouir d’une procédure judiciaire en moins !... Néanmoins, il serait hâtif et même excessif pour le moteur de recherche de fêter tambours battant la conclusion de cet accord. En effet, comme le souligne le communiqué de presse des deux sociétés, « l'AFP et Google ont signé un accord de licence qui permettra l'utilisation de contenu AFP en ligne d'une manière nouvelle et innovante et qui améliorera considérablement l'accès par les internautes aux informations des agences de presse ». Ainsi, la fin des poursuites judiciaires et l’utilisation des produits de l’AFP sont monnayées dans des conditions qui selon Pierre Louette, PDG de l’AFP, demeurent confidentielles.
Par cette nouvelle licence, le moteur de recherche californien ouvre un peu plus la boîte de Pandore et la plupart des journaux dont les actualités sont relayées par Google News risquent de s’engouffrer dans cette brèche. A noter qu’antérieurement à cet accord conclu avec l’AFP, Reuters et Associated Press ont tous deux signé des licences similaires avec Google.
Toutefois, il n’est pas pertinent de critiquer Google sur cette stratégie de compromis. Si un dicton célèbre rappelle qu’« Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès », dans le cas de Google « Une licence coûteuse vaut mieux qu’un procès perdu d’avance ! ». En effet, les perspectives de victoires judiciaires de Google face aux agences et éditeurs de presse du monde entier semblent très minces notamment dans les pays de droit continental qui, à l’inverse de ceux de common law, interprètent de façon restrictive les exceptions aux droits d’auteur. Ce constat s’est d’ailleurs vérifié dans les différentes décisions belges relatives à l’affaire « Copiepresse c/ Google ». La dernière en date, celle du TPI de Bruxelles rendue le 13 février 2007, confirme la condamnation de Google pour contrefaçon au titre de la reproduction dans sa mémoire cache et dans le site Google News d’extraits et de titres d’articles de presse (TPI Bruxelles, 13 février 2007, « Société Google Inc c/ Sté Copiepresse, RLDI 2007/25, n°812).
En France, il semble très probable que les juges observent une position similaire. Il est vrai que concernant la reproduction des photographies dans le service Google News, la loi DADVSI du 1er août 2006 a introduit une nouvelle exception à l’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle permettant, après avoir signalé le nom de l’auteur, de les reproduire à des fins « d’information immédiate et en rapport directe avec cette dernière ». Toutefois, cette nouvelle exception est bien la seule chose favorable au service Google Actualités que la loi de 2006 a apportée. En effet, dans ce même article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle, a été consacré par la loi DADVSI un recours systématique au triple test d’origine communautaire pour l’application des exceptions au droit d’auteur. Ce test – devenu double test dans la transposition française de la directive du 22 mai 2001 - consiste à ce que chaque exception légalement prévue ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur. Dès lors, les exceptions susceptibles d’être invoquées par Google pour défendre son service d’actualité - notamment l’exception de citation – devant les tribunaux français ont très peu de chance d’emporter la conviction d’un juge de l’hexagone. La transaction conclue avec l’AFP est alors une sage décision de la société de Mountain View !
Mais il est aussi possible d’en dire de même pour l’AFP. En effet, suite au contentieux « Copiepresse », Google a déréférencé certains journaux belges de son service Google News. Un tel déréférencement paraît hautement préjudiciable à la presse malgré les dommages-intérêts récoltés au passage. En effet, la crise du papier face à l’avènement des nouvelles technologies oblige les médias à conquérir les internautes. Or, attaquer Google au risque de perdre toute visibilité sur internet est une solution bien absurde et ne prenant en compte que le court terme... Ainsi, par la conclusion de cette licence, l’AFP semble plus stratège que ses confrères belges qui ont préféré le zèle au pragmatisme !....

mercredi 11 avril 2007

Le rapport « Rocard » : Ségolène Royale à l’heure de l’économie numérique...

Aux alentours du 20 mars dernier, Ségolène Royal a chargé Michel Rocard d’une étude sur les enjeux du numérique. En seulement deux semaines, l’ancien ministre a rédigé un rapport de 73 pages intitulé « République 2.0 : vers une société de la connaissance ouverte (version bêta) » remis le 5 avril à la candidate du parti socialiste. Le ridicule de ce titre s’accorde parfaitement avec le temps record dans lequel cette étude a été réalisée préjugeant ainsi de son sérieux... Toutefois, il convient d’aller au-delà des apparences en examinant certaines des 94 propositions faites par Michel Rocard.
Un des premiers points sur lequel l’ancien ministre socialiste insiste, est le respect des droits fondamentaux dans le cyberespace qui auraient été malmenés pendant les cinq dernières années. Est-ce à dire que la loi du 21 juin 2004 – texte phare de l’économie numérique – est peu soucieuse des libertés publiques ?
Surtout, dans une autre partie de son rapport, Michel Rocard préconise l’emploi d’aides à destination des PME pour le développement économique des technologies numériques. Il faut dire que l’initiative privée est sans aucun doute plus garante du progrès technologique que les projets publics si l’on se fonde sur l’actualité récente des projets Quaero ou Europeana... En outre, le rapport insiste sur le rôle des universités et des pôles de compétitivité : est-ce à dire que La Sorbonne deviendra Stanford et Grenoble la Silicon Valley ?
Par ailleurs, suscitant sur cet autre point un consensus évident, Michel Rocard dénonce le déséquilibre des droits d’auteur, conséquence de la loi DADVSI du 1er août 2006. Ainsi, les mesures techniques de protections font une nouvelle fois l’objet de critiques et l’ancien ministre préconise un nouvel équilibre entre usage des œuvres et rémunération des auteurs. Toutefois, durant ces deux semaines de travaux intensifs, Michel Rocard a peut-être oublié de lire l’actualité qui regorge de déclarations d’abandon des DRM de la part des principaux défenseurs des droits d’auteur à travers le monde. Ainsi, est-il vraiment nécessaire de réformer une loi qui a suscité tant des débats et de remous parlementaires alors que ses dispositions problématiques seront bientôt abandonnées par les titulaires de droits ? Pour rester dans les questions d’ordre pécuniaire, le rapport invite aussi dans les cinq ans à augmenter de 3 à 10% la part du budget de la culture allouée au numérique. Voilà une mesure concrète et au surplus pertinente !
Enfin, si Jacques Chirac dénonçait en son temps la fracture sociale, Michel Rocard rappelle les méfaits de la fracture numérique. Pour lui, l’objectif du futur gouvernement sera de porter de 44 à 75% la part des foyers français connectés au réseau. A côté de ces diverses mesures, d’autres points sont abordés comme l’entrée des services publics dans l’ère du numérique, la création d’une délégation interministérielle auprès du Premier ministre ou encore les technologies au service de la démocratie participative – autopromos pour l’idée phare du début de campagne de la candidate socialiste.
En résumé, si ce rapport s’apparente à un recueil supplémentaire de banalités sur les enjeux et perspectives du numériques, il a le mérite d’exister. A l’heure où certains dénoncent l’absence des questions telles que le progrès social ou l’immigration dans la campagne, l’économie numérique y a fait son entrée à moins de trois semaines du premier tour. Et ce, grâce au parti socialiste qui au moins a le courage de s’attaquer à un sujet qui n’est pas le favori des démagogues. Toutefois, Ségolène Royal doit se méfier des propositions portant sur les nouvelles technologies. En effet, comme le rappelle David Forest dans son remarquable ouvrage sur le « Prophétisme communicationnel », le développement des nouvelles technologies faisait partie des 5 propositions fondamentales de Lionel Jospin. Apparemment, cela ne lui a pas porté chance...

Télécharger le rapport
(version pdf)

mardi 10 avril 2007

Loi sur la prévention de la délinquance (article Cejem)

Rodney King est un nom gravé dans la mémoire des américains qui l’associent au pouvoir que peuvent avoir des images non seulement sur l’opinion publique mais aussi sur la stabilité d’une ville et de ses quartiers difficiles... Le 3 mars 1991, un simple contrôle de police qui allait tourner à une bavure fut immortalisé et surtout diffusé par une vidéo amateur mettant le feu aux poudres à la ville de Los Angeles. Hasard du calendrier ou acte manqué ? Le 3 mars dernier, date du 26ème anniversaire de la principale cause des émeutes de Los Angeles, le Conseil constitutionnel français a validé la loi sur la prévention de la délinquance, maillon supplémentaire des réponses législatives aux émeutes des banlieues françaises de 2005. La prévention est donc le nouvel objectif poursuivi par le législateur dans cette loi du 5 mars 2007 après [Lire la suite]

vendredi 6 avril 2007

Les casinos de Second Life dans la ligne de mire du FBI

Décidément, Second Life n’en finit pas d’imiter le monde réel... Après les campagnes publicitaires et les débats politiques, casinos et jeux d’argent se développent dans ce monde virtuel. Face à ce phénomène, les dirigeants de la société Linden Lab – développeur et éditeur de Second Life - ont proposé aux agents du FBI de se rendre dans l’un de ces casinos afin d’évaluer la licéité de cette nouvelle activité virtuelle. « Nous avons invité de nombreuses fois les agents du FBI à venir inspecter Second Life pour se faire une opinion et nous savons que certains d’entre eux ont inspecté un casino virtuel » a déclaré Ginsu Yoon, vice-président de Linden Lab. Ainsi, les responsables de Second Life n’ont rien à cacher de ces activités de jeux d’argent virtuels. Pour le moment, on recense quelques casinos virtuels comme le récent « 007 Casino Royale » proposant machines à sous, tables de poker et blackjack. Le tout fonctionne par le biais des « Linden dollars » (L$), monnaie utilisée par les joueurs de Second Life et échangeable contre de vrais Dollars (sur longue période le taux de change est le suivant: 250L$=1$)... C’est donc un véritable business qui se monte au sein de ce monde virtuel même si pour le moment les profits de ces casinos s’élèvent à environ 1500 dollars (véritables) par mois.
Cet intérêt grandissant des autorités américaines pour les casinos virtuels coïncide avec un durcissement de la répression des sites classiques de jeu offshore par la police américaine malgré les dernières sanctions de l’OMC à l’encontre de la législation des Etats-Unis en matière de jeux d’argents... Pour le moment, le FBI ne s’est pas prononcé sur la licéité des jeux d’argent dans Second Life. Toutefois, de nombreux juristes américains considèrent que ceux-ci violent la législation américaine sur les jeux dont le champ d’application concerne les paris portant sur « toute chose ayant de la valeur » : le Linden Dollar a alors de forte chance d’entrée dans cette définition. Malgré cette forte probabilité de l’illicéité des casinos virtuels, demeure une question difficile à trancher à savoir la responsabilité de Linden Lab. Selon Brent Britton, avocat au sein du cabinet Squire, Sanders & Dempsey, la société encoure des sanctions pénales sur le fondement de l’Illégal Gambling Act de 1970 et du Unlawful Internet Gambling Enforcement Act de 2006.
En outre, il est peut-être pertinent de s'intérroger sur une possible application de la section § 230 du Communications Decency Act de 1996 aux termes de laquelle « un utilisateur ou un fournisseur d’un service informatique interactif ne pourra se voir imposer de responsabilité en qualité d’auteur ou d’éditeur de toute information fournie par un autre fournisseur de contenu ». Toutefois, ce serait sans doute étendre le champ d’application de cette disposition bien au-delà de ce à quoi elle fut destinée... notamment en raison de la notion de « contenu » qui a du mal à s’adapter à la réalité du monde virtuel. En effet, l'individu à l’origine d’un casino virtuel crée-t-il un contenu illicite au sens classique du terme ?
En résumé, les mondes virtuels sont une nouveauté de plus à laquelle il conviendra soit d’adapter les concepts juridiques existants soit, et c’est peu souhaitable, écrire de nouveaux textes leurs étant spécialement dédiés... Une autre voie – au demeurant intermédiaire – serait peut-être de s’appuyer sur une autorégulation des mondes virtuels par le biais de conditions d’utilisations, de chartes de bonne conduites etc... L’expérience montre que les utilisateurs du réseau sont plus à même de respecter de telles normes qui s’avèrent beaucoup plus efficaces que les lois nationales. Toutefois, les individus fuyant un monde réel parfois trop réglementé et trop conventionnel ont-ils vraiment envie de se soumettre, une fois de plus, à des normes imposées par d’autres ?


Aperçu d'un casino de Second Life


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jeudi 5 avril 2007

Affaire « SWIFT » : les conclusions de la commissaire canadienne

En juin dernier, Jennifer Stoddart, commissaire fédérale à la protection de la vie privée au Canada, avait entrepris une enquête après un scandale au sujet de SWIFT, société privée basée en Europe dont l’objet est d’assurer le fonctionnement d’un réseau international de communication électronique entre acteurs des marchés financiers. L’affaire concernait une transmission de données financières collectées par cette société à la demande des services de renseignement américains suite aux attentats du 11 septembre.
Lundi dernier, la commissaire à la protection de la vie privée a rendu ses conclusions. Selon elle, il est parfaitement légal pour SWIFT de fournir aux services de renseignement américains des données financières sans avoir préalablement obtenu le consentement des intéressés ni même les avoir informés de cette communication. Il faut dire qu’en tant qu’opérateur agissant tant aux Etats-Unis qu’au Canada, SWIFT se trouve dans une position difficile puisque cette société doit respecter la législation canadienne sur la vie privée et la législation américaine « post-11 septembre » qui impose parfois une transmission de données personnelles au gouvernement.
Toutefois, Jennifer Stoddart a attiré l’attention du Ministère des finances canadien sur le fait qu’il serait urgent d’élaborer un système de transmission de données plus transparent entre les Etats-Unis et le Canada afin d’éviter de possibles abus. Cette remarque démontre, selon la presse canadienne, que la protection des données personnelles aux Canada est loin d’être parfaite.
La question du transfert de données personnelles entre Etats est éminemment stratégique. En Europe, la directive du 24 octobre 1995 a eu pour objectif une harmonisation de la protection des données personnelles dans les Etats membres afin de faciliter le transfert de données au sein de l’Union. Pour ce qui concerne les données fournies à des Etats non membres, l’article 68 de la loi du 6 janvier 1978 autorise un tel transfert que « si cet Etat assure un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l'égard du traitement dont ces données font l'objet ou peuvent faire l'objet ». A ce jour, très peu de pays sont considérés comme tel (essentiellement Argentine, Canada et Suisse). Pour les Etats-Unis, seules les entreprises adhérant aux principes du Safe Harbor peuvent acquérir des données personnelles provenant de France.
En définitive, il semble que les données personnelles face l’objet d’une protection plus forte de ce côté de l’Atlantique et l’affaire « SWIFT » aurait peut-être eu un dénouement différent en Europe. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les divergences qu’a suscité, au sein des instances européennes, la législation américaine imposant aux compagnies aériennes internationales un transfert des données sur les passagers. Dès lors, il semble que le Patriot Act n’ait pas totalement réussi à traverser l’Atlantique...

mercredi 4 avril 2007

Jeux en ligne : Condamnation de la législation américaine par l’OMC

Vendredi dernier, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a condamné une nouvelle fois la législation américaine relative aux jeux en ligne suite à des plaintes déposées par le gouvernement de l’Antigua-et-Barbuda situé dans les Caraïbes. Il est notamment reproché à la législation américaine d’empêcher les sites étrangers de se développer. Cette décision vient à la suite d’une précédente rendue en avril 2005 et condamnant déjà les Etats-Unis pour entrave à la libre circulation des marchandises. Il faut dire qu’au lieu d’assouplir leur législation après cette première condamnation, les Etats-Unis ont adopté le « Unlawful Internet Gambling Enforcement Act » en 2006 faisant interdiction aux établissements financiers d’effectuer toute transaction en direction de sites de jeux et de paris en ligne. Selon l’interprétation faite par l’OMC, cette loi vise directement les sites de jeux étrangers et tend à préserver les sociétés américaines de la concurrence extérieure. Dès lors, des sanctions financières pourraient être prises à l’encontre des Etats-Unis.
Toutefois, l'Etat plaignant n'est pas dupe : « Les Etats-Unis sont certes dans l’obligation de revoir leur législation mais ils vont probablement faire traîner les choses au maximum en faisant appel de cette décision » a déclaré l’ambassadeur de l’Antigua-et-Barbuda auprès de l’OMC. Dès lors, le gouvernement de l'Antigua-et-Barbuda menace l’administration Bush de ne plus respecter les droits des sociétés américaines sur leurs marques ou encore le copyright américain : « Œil pour œil, dent pour dent ». Néanmoins, cette justice privée prônée par cet archipel des Caraïbes n’est pas forcément une solution à long terme même si ses gouverneurs comptent énormément sur le développement des jeux en ligne pour relancer leur économie reposant essentiellement sur le tourisme. Et il serait plus souhaitable pour cette nation que les Etats-Unis reviennent, de leur propre chef, sur le droit chemin dans ce dossier. Face à cette ténacité du plaignant, il est fort probable que ce soit le cas même si les américains jouent le rôle d’un Goliath face à un David... Gretchen Hamel, représentante des Etats-Unis auprès de l’OMC a néanmoins déclaré que les Etats-Unis maintiendront leurs interdictions sur les transactions à destination des organismes de jeux en ligne « afin de protéger l’ordre public et les bonnes mœurs pourvu que cela n’implique pas de discriminations envers des sociétés étrangères ». L’heure est donc au compromis accompagné de fermeté.
Si il est possible de critiquer les Etats-Unis pour leur attitude protectionniste en matière de jeux et paris en ligne, les pays européens ne peuvent pas pour autant donner de leçons en la matière. En effet, la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) vient de rendre une décision dans laquelle elle condamne l’Italie qui, sous couvert de l’intérêt public, protège son monopole sur les jeux au détriment des acteurs étrangers. Pour sa part, la France vient d’adopter des dispositions protégeant indirectement les monopoles du PMU et de la Française des Jeux face à la montée des jeux en ligne dans sa loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance. Il n’est absolument pas certain que cette nouvelle législation soit conforme aux exigences communautaires... et, le cas échéant, à celles de l’OMC !
En définitive, s’il y a bien une chose qu’implique internet – au-delà des banalités dont vous êtes blasés – c’est le caractère finalement très protectionniste des Etats qui, à l’heure de la mondialisation, du régionalisme (tel que la construction européenne) et du soi-disant libéralisme sauvage, ne sont pas prêts à abandonner toute souveraineté sur certains secteurs d’activité...

mardi 3 avril 2007

MySpace s’attaque au « Roi du Spam » !

Sanford Wallace, connu aussi sous le surnom de « Spamford », s’est fait connaître en 1997 par son auto-proclamation en tant que « Roi du Spam »... Ayant débuté dans les années 90 par le « junk fax », envoi massif de fax non sollicités et ancêtre du spamming, Spamford a poursuivi une carrière florissante dans la saturation des boîtes mail. Néanmoins, le 16 octobre 1997, alors qu’il était au plus haut de ses exploits, un tribunal américain le condamna à 2 millions de dollars pour ses activités illicites. Une première dans sa carrière de cyberdélinquant qui restera dans les annales des juristes de l’internet comme le « Spam Freedom Day ». D’ailleurs, quelques temps plus tard, il annonça sa retraite de spammeur... Toutefois, depuis ce moment, Spamford se trouve régulièrement impliqué dans des affaires d’envois massifs de courriers électroniques : « Chassez le naturel, il revient au galop ! ».
Mardi dernier, le site communautaire MySpace a engagé une action contre la légende du spam pour des actes de phishing sur les comptes des utilisateurs dans l’objectif de les spammer. Plus précisément, il est reproché à Spamford d’avoir accéder aux profils utilisateurs de nombreux clients du site puis d’avoir créer de nouveaux profils, groupes et forums sur MySpace spécialement conçus pour rediriger les visiteurs sur ses sites. Par ailleurs, des centaines d’utilisateurs ont aussi reçu des spams de sa part depuis octobre dernier.
Cette plainte de MySpace a été déposée devant la cour de district de Los Angeles. Sur la base d’une violation du CAN-SPAM Act de 2003 et des California’s anti-spam and anti-phishing statutes, MySpace demande des dommages-intérêts ainsi qu’une interdiction d’accès à son espace à l’encontre de Spamford et de ses associés. « Les personnes qui tentent de spammer ou phisher nos membres ne sont pas les bienvenus sur MySpace. Nous n’arrêterons pas de protéger de façon agressive nos utilisateurs tant par des actions en justice et que par des moyens technologiques » a déclaré Hemanshu Nigam, responsable sécurité chez MySpace.
Ainsi, Spamford va sans doute devoir une nouvelle fois mettre la main au porte-monnaie en raison de son addiction au spam. En effet, à la suite d’une décision de justice rendue l’année dernière, il a du débourser la modique somme de 4 millions de dollars à la Federal Trade Commission (FTC). Lorsque l’on s’auto-sacre roi, il faut assumer les dépenses subséquentes !!!...

lundi 2 avril 2007

L’ICANN rejette encore une fois le <.xxx> !

Vendredi dernier, l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) a rejeté pour la troisième fois une proposition de création de l’extension <.xxx> pour les noms de domaines choisis par les sites pour adultes. Cette proposition à l’origine de laquelle se trouvait la société ICM Registry LLC s’est vue refuser à 9 voix contre 5. Pourtant, le débat sur cette question a fait l’objet de nombreux arguments dont le principal était celui d’isoler les sites pour adultes et ainsi de protéger plus facilement les mineurs. En cela, les sites pornographiques craignaient néanmoins d’être confinés dans une sorte de « ghetto virtuel ». En outre, venaient s’ajouter les critiques de quelques groupes religieux qui redoutaient une banalisation du sexe sur le réseau.
Toutefois, malgré ces différents points de vue, il semble que l’argument qui a fait pencher la balance en faveur d’un refus de l’ICANN est le risque que cet organisme soit amené à terme à faire de la régulation de contenu. En effet, la création d’une extension en <.xxx> avait le désavantage d’être extrêmement dépendant du contenu des sites qui en ferait la demande. Ainsi, l’ICANN ne veut absolument pas se lancer sur ce terrain... un manque d’ambition ? Peut-être si l’on s’attarde sur la déclaration de l’un des membres de cet organisme qui critiques la faiblesse de l’ICANN et surtout... sa dépendance vis-à-vis de l’opinion des gouvernements. Cela relance bien évidemment le débat sur la neutralité de la procédure d’attribution des noms de domaine... Pour sa part, la société ICM Registry LLC ne souhaite pas en rester là. Stuart Lawley, son PDG a en effet fait part de sa déception et surtout de son intention de se lancer dans une procédure judiciaire.
Décidemment, les sites pour adultes sur internet nourrissent le débat à tous les niveaux. Néanmoins, au-delà des difficultés liées à des considérations morales, la réelle question que pose ce type de proposition est le risque de cloisonnement des noms de domaines. Si il est vrai que les <.gov>, <.edu> ou <.museum> réalisent déjà une telle segmentation du Web, ils restent néanmoins très spécifique à un secteur plutôt fermé. Malgré la spécificité de son objet, la pornographie est une industrie comptant nombre d’acteurs et s’apparente à une activité classique du web... du moins en volume. Lui attribuer une extension spéciale n’est absolument pas nécessaire et préjugerait trop de sa nature et de son contenu. Il existe en effet des nuances entre des sites allant de la pornographie la plus hard à l’érotisme le moins choquant... Et puis, qui dit qu’après le <.xxx>, il n’y aurait pas le <.game> pour les jeux, le <.news> pour les journaux, le <.blog> pour les particuliers etc... Un univers bien compartimenté au regard de la culture de l’ouverture prônée par les adeptes du cyberespace...