mercredi 11 avril 2007

Le rapport « Rocard » : Ségolène Royale à l’heure de l’économie numérique...

Aux alentours du 20 mars dernier, Ségolène Royal a chargé Michel Rocard d’une étude sur les enjeux du numérique. En seulement deux semaines, l’ancien ministre a rédigé un rapport de 73 pages intitulé « République 2.0 : vers une société de la connaissance ouverte (version bêta) » remis le 5 avril à la candidate du parti socialiste. Le ridicule de ce titre s’accorde parfaitement avec le temps record dans lequel cette étude a été réalisée préjugeant ainsi de son sérieux... Toutefois, il convient d’aller au-delà des apparences en examinant certaines des 94 propositions faites par Michel Rocard.
Un des premiers points sur lequel l’ancien ministre socialiste insiste, est le respect des droits fondamentaux dans le cyberespace qui auraient été malmenés pendant les cinq dernières années. Est-ce à dire que la loi du 21 juin 2004 – texte phare de l’économie numérique – est peu soucieuse des libertés publiques ?
Surtout, dans une autre partie de son rapport, Michel Rocard préconise l’emploi d’aides à destination des PME pour le développement économique des technologies numériques. Il faut dire que l’initiative privée est sans aucun doute plus garante du progrès technologique que les projets publics si l’on se fonde sur l’actualité récente des projets Quaero ou Europeana... En outre, le rapport insiste sur le rôle des universités et des pôles de compétitivité : est-ce à dire que La Sorbonne deviendra Stanford et Grenoble la Silicon Valley ?
Par ailleurs, suscitant sur cet autre point un consensus évident, Michel Rocard dénonce le déséquilibre des droits d’auteur, conséquence de la loi DADVSI du 1er août 2006. Ainsi, les mesures techniques de protections font une nouvelle fois l’objet de critiques et l’ancien ministre préconise un nouvel équilibre entre usage des œuvres et rémunération des auteurs. Toutefois, durant ces deux semaines de travaux intensifs, Michel Rocard a peut-être oublié de lire l’actualité qui regorge de déclarations d’abandon des DRM de la part des principaux défenseurs des droits d’auteur à travers le monde. Ainsi, est-il vraiment nécessaire de réformer une loi qui a suscité tant des débats et de remous parlementaires alors que ses dispositions problématiques seront bientôt abandonnées par les titulaires de droits ? Pour rester dans les questions d’ordre pécuniaire, le rapport invite aussi dans les cinq ans à augmenter de 3 à 10% la part du budget de la culture allouée au numérique. Voilà une mesure concrète et au surplus pertinente !
Enfin, si Jacques Chirac dénonçait en son temps la fracture sociale, Michel Rocard rappelle les méfaits de la fracture numérique. Pour lui, l’objectif du futur gouvernement sera de porter de 44 à 75% la part des foyers français connectés au réseau. A côté de ces diverses mesures, d’autres points sont abordés comme l’entrée des services publics dans l’ère du numérique, la création d’une délégation interministérielle auprès du Premier ministre ou encore les technologies au service de la démocratie participative – autopromos pour l’idée phare du début de campagne de la candidate socialiste.
En résumé, si ce rapport s’apparente à un recueil supplémentaire de banalités sur les enjeux et perspectives du numériques, il a le mérite d’exister. A l’heure où certains dénoncent l’absence des questions telles que le progrès social ou l’immigration dans la campagne, l’économie numérique y a fait son entrée à moins de trois semaines du premier tour. Et ce, grâce au parti socialiste qui au moins a le courage de s’attaquer à un sujet qui n’est pas le favori des démagogues. Toutefois, Ségolène Royal doit se méfier des propositions portant sur les nouvelles technologies. En effet, comme le rappelle David Forest dans son remarquable ouvrage sur le « Prophétisme communicationnel », le développement des nouvelles technologies faisait partie des 5 propositions fondamentales de Lionel Jospin. Apparemment, cela ne lui a pas porté chance...

Télécharger le rapport
(version pdf)

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