jeudi 12 avril 2007

Google et l’AFP trouvent un terrain (pécuniaire) d’entente !

En mars 2005, l’Agence France Presse (AFP) avait assigné Google aux Etats-Unis et en France pour la violation de ses droits d’auteur consécutive à la publication sur les services Google News et Google Actualités d’extraits d’articles de ses journalistes ainsi que des photos associées. Elle demandait au total un montant de 17,5 millions de dollars de dommages-intérêts. Pourtant, vendredi dernier, l’AFP a annoncé qu’elle a trouvé un accord avec Google et qu’elle abandonne de ce fait toutes les poursuites engagées contre le moteur de recherche. Google peut donc se réjouir d’une procédure judiciaire en moins !... Néanmoins, il serait hâtif et même excessif pour le moteur de recherche de fêter tambours battant la conclusion de cet accord. En effet, comme le souligne le communiqué de presse des deux sociétés, « l'AFP et Google ont signé un accord de licence qui permettra l'utilisation de contenu AFP en ligne d'une manière nouvelle et innovante et qui améliorera considérablement l'accès par les internautes aux informations des agences de presse ». Ainsi, la fin des poursuites judiciaires et l’utilisation des produits de l’AFP sont monnayées dans des conditions qui selon Pierre Louette, PDG de l’AFP, demeurent confidentielles.
Par cette nouvelle licence, le moteur de recherche californien ouvre un peu plus la boîte de Pandore et la plupart des journaux dont les actualités sont relayées par Google News risquent de s’engouffrer dans cette brèche. A noter qu’antérieurement à cet accord conclu avec l’AFP, Reuters et Associated Press ont tous deux signé des licences similaires avec Google.
Toutefois, il n’est pas pertinent de critiquer Google sur cette stratégie de compromis. Si un dicton célèbre rappelle qu’« Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès », dans le cas de Google « Une licence coûteuse vaut mieux qu’un procès perdu d’avance ! ». En effet, les perspectives de victoires judiciaires de Google face aux agences et éditeurs de presse du monde entier semblent très minces notamment dans les pays de droit continental qui, à l’inverse de ceux de common law, interprètent de façon restrictive les exceptions aux droits d’auteur. Ce constat s’est d’ailleurs vérifié dans les différentes décisions belges relatives à l’affaire « Copiepresse c/ Google ». La dernière en date, celle du TPI de Bruxelles rendue le 13 février 2007, confirme la condamnation de Google pour contrefaçon au titre de la reproduction dans sa mémoire cache et dans le site Google News d’extraits et de titres d’articles de presse (TPI Bruxelles, 13 février 2007, « Société Google Inc c/ Sté Copiepresse, RLDI 2007/25, n°812).
En France, il semble très probable que les juges observent une position similaire. Il est vrai que concernant la reproduction des photographies dans le service Google News, la loi DADVSI du 1er août 2006 a introduit une nouvelle exception à l’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle permettant, après avoir signalé le nom de l’auteur, de les reproduire à des fins « d’information immédiate et en rapport directe avec cette dernière ». Toutefois, cette nouvelle exception est bien la seule chose favorable au service Google Actualités que la loi de 2006 a apportée. En effet, dans ce même article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle, a été consacré par la loi DADVSI un recours systématique au triple test d’origine communautaire pour l’application des exceptions au droit d’auteur. Ce test – devenu double test dans la transposition française de la directive du 22 mai 2001 - consiste à ce que chaque exception légalement prévue ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur. Dès lors, les exceptions susceptibles d’être invoquées par Google pour défendre son service d’actualité - notamment l’exception de citation – devant les tribunaux français ont très peu de chance d’emporter la conviction d’un juge de l’hexagone. La transaction conclue avec l’AFP est alors une sage décision de la société de Mountain View !
Mais il est aussi possible d’en dire de même pour l’AFP. En effet, suite au contentieux « Copiepresse », Google a déréférencé certains journaux belges de son service Google News. Un tel déréférencement paraît hautement préjudiciable à la presse malgré les dommages-intérêts récoltés au passage. En effet, la crise du papier face à l’avènement des nouvelles technologies oblige les médias à conquérir les internautes. Or, attaquer Google au risque de perdre toute visibilité sur internet est une solution bien absurde et ne prenant en compte que le court terme... Ainsi, par la conclusion de cette licence, l’AFP semble plus stratège que ses confrères belges qui ont préféré le zèle au pragmatisme !....

2 commentaires:

Anonyme a dit…

c'est un article très interessant, que je trouve pensé et réfléchi et à vrai dire j'ai le même avis. En fait, internet représente 10 à 15% du chiffre d'affaires de l'AFP (M6 c'est 50% pour indication). Il fallait donc faire quelquechose... mais jusqu'où?

christian a dit…

"l'AFP et Google ont signé un accord de licence qui permettra l'utilisation de contenu AFP en ligne d'une manière nouvelle et innovante et qui améliorera considérablement l'accès par les internautes aux informations des agences de presse".
Ainsi, la fin des poursuites judiciaires et l'utilisation des produits de l'AFP sont monnayées dans des conditions qui selon Pierre Louette, PDG de l'AFP, demeurent confidentielles.

Pourquoi tant de secret? Google peut se permettre une transparence totale aussi nombreux que soient les procés en cours...
L'AFP, agence de presse pourtant trés professionnelle fait de la rétention d'information, et par conséquent ménage le suspense...
En langage télévisuel on peut dire la suite au prochain épisode :-0
Google a t'il été pris de vitesse par la soudaineté de l'accord alors que ses nouveaux concepts innovants sont loins d'êtres finalisés?

Cette annonce pose plus de questions quelle n'apporte de réponses!