jeudi 19 avril 2007

L’Ontario se dote d’une législation contre le « cyber-bullying » !

Le « cyber-bullying » est un phénomène bien connu des anglo-saxons qui consiste en du harcèlement et des intimidations systématiques d’étudiants à l’encontre d’autres étudiants ou de professeurs. Dès lors, ce concept couvre un assez large éventail de faits comme le harcèlement par e-mails, la menace de personnes sur des forums, la mise en ligne de vidéos d’injures racistes envers une personne etc... Si l’on porte un regard plus analytique sur cette notion, il semble que la qualification de cyber-bullying soit indépendante tant à l’égard de la technologie utilisée (messagerie, forum, téléphone portable, plateforme de vidéos) qu’à l’égard du comportement de l’auteur (pourvu qu’il soit répréhensible). En fait, le point commun entre tous ces faits, qui permet de les fédérer sous une même qualification, réside dans la qualité des auteurs et des victimes qui doivent tous être liés au milieu scolaire au éducatif.
Si le 5 mars dernier, la France s’est dotée d’un dispositif de lutte contre le happy slapping – autre nouveau phénomène de l’internet - dans la loi sur la prévention de la délinquance, l’Ontario, province du Canada, a ajouté hier une nouvelle incrimination contre le cyber-bullying dans le Safe School Act de 2000. Aux termes de cet amendement, tout étudiant pourra être expulsé ou renvoyé de son établissement en cas de commission d’actes de cyber-bullying. Afin de justifier cette innovation juridique, la Ministre de la culture, Kathleen Wynne a déclaré qu’il était grand temps d’apprendre aux étudiants à prendre leurs responsabilités concernant leur comportement sur internet : « Le cyber-bullying n’est pas aujourd’hui constitutif d’une infraction et il est grand temps que nous reconnaissions la gravité de ce type de comportement ». Elle n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler cette récente affaire dans laquelle des étudiants d’un lycée de la banlieue de Toronto ont posté des commentaires injurieux à l’encontre de leur principal sur un site internet avant de se plaindre d’une atteinte à leur liberté d’expression suite à leur expulsion. Pour sa part, Dalton McGuinty, premier ministre de l’Ontario a déclaré : « Que vous ayez ce genre de comportement via les dernières technologies du net ou en personne ou encore par un ancien téléphone, cela cause autant de peine et de souffrance ».
Ce constat – très partagé lorsque de nouveaux comportements néfastes émergent sur les réseaux – mène finalement à une relative « neutralité de la technologie dans le processus délictuel ». Sous cette expression pompeuse, il faut entendre le fait que la délinquance des réseaux est, dans bien des hypothèses, identique à celle du monde réel à ceci près que des moyens technologiques sont utilisés. D’ailleurs, ceci se vérifie particulièrement bien dans le cas du cyber-bullying qui correspondant à l’exportation du harcèlement, des menaces et des intimidations dans le monde virtuel. Mais alors, pourquoi créer de nouvelles incriminations toutes les fois que des comportements délictueux classiques s’invitent dans les réseaux ? L’on ne peut qu’y voir une forme de surenchère législative. Et il serait peut-être plus pertinent de recourir aux délits existants dans le monde réel dans les hypothèses où ils sont commis par la voie du numérique au risque de prendre quelques distances avec le principe d’interprétation stricte de la loi pénale. Ce n’est apparemment pas l’option retenue par les législateurs et notamment dans les pays de droit écrit comme la France. Pourtant, si une conclusion peut-être tirée en matière de droit des nouvelles technologies malgré la jeune expérience de ce domaine, c’est bien qu’il est toujours préférable d’adapter jurisprudentiellement les notions juridiques existantes plutôt que de créer systématiquement des nouvelles dispositions, obsolètes dès leur entrée en vigueur. Toutefois, cette solution a le désavantage de ne pas permettre un effet d’annonce au profit des gouvernements souhaitant montrer qu’ils ne sont pas dépassés par les réseaux...

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