vendredi 18 mai 2007

« Passenger Name Records » : le bras de fer entre l’Europe et les Etats-Unis

Si les attentats du 11 septembre 2001 ont eu des répercussions très profondes sur la géopolitique, ils ont aussi grandement bouleversé la physionomie de l’échange international de données personnelles. Un des points les plus frappants est le dossier « Passenger Name Records » (PNR) relatif à la collecte et au stockage de données relatives aux passagers de transports aériens (34 types de données différentes). Dans la lutte contre le terrorisme, les Etats-Unis ont en effet souhaité intensifier l’échange de ces données avec l’Europe et un accord fut définitivement signé le 28 mai 2004. Aux termes de celui-ci, le « US Customs and Border Protection » (CBP) est autorisé à accéder directement par voie électronique aux données sur les passagers aériens collectées sur le territoire des Etats membres. Toutefois, cet accord fut invalidé par la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) dans une décision du 30 mai 2006. Sur le fondement de l’article 95 TCE, les juges du Luxembourg ont notamment reproché à la Communauté européenne son manque de compétence pour décider d’un tel accord. Face à cette remise en cause brutale de la politique d’échange de données sur les passagers aériens entre les Etats-Unis et l’Europe, un accord intérimaire a été signé le 16 octobre 2006 dont les stipulations, similaires à celles invalidées, prendront fin au plus tard le 31 juillet 2007.
Ainsi, il est grand temps de se remettre autour de la table pour trouver un nouvel accord viable entre les Etats-Unis et l’Europe. C’est pourquoi, Michael Chertoff, secrétaire d’Etat américain à la sécurité intérieure, est venu défendre la position de son pays face aux instances européennes lundi dernier. Il a notamment critiqué les quelques restrictions apportées par l’Europe sur ces échanges de données telles que la limitation du transfert des données PNR à certaines agences gouvernementales. Selon lui, pour une lutte plus efficace contre le terrorisme, les données relatives aux passagers aériens devraient circuler plus facilement entre les différentes administrations. Et pour étayer son argumentation, il n’a pas manqué de signaler que si un accord tel que le PNR avait existé le 11 septembre 2001, les attentats de New York auraient probablement pu être évités : « Avec seulement certaines de ces données, nous aurions pu les empêcher (les terroristes) de pénétrer aux Etats-Unis. Il est alors difficile, face à ces leçons tragiques de l’histoire, d’abandonner un outil qui, avec un coût minimal en terme de libertés publiques, connaît un potentiel immense dans la protection de vies humaines » a-t-il déclaré. Toujours selon Chertoff, l’échange de données sur les passagers aériens aurait déjà permis l’arrestation de nombre de terroristes depuis 2003.
Face aux parlementaires européens, le représentant américain s’est confronté à une opposition ferme en la personne de Sophia in’t Veld, députée néerlandaise en charge du dossier PNR. Au-delà d’un manque de confiance dans les résultats annoncés par Chertoff concernant le système PNR, elle a reproché ouvertement le manque de réciprocité ainsi que les intentions américaine sous-tendant ce projet. Ainsi, elle a fait part de son scepticisme quant à savoir si les Etats-Unis sont réellement intéressés par un compromis ou souhaitent seulement imposer leurs standards et leur politique en matière de données personnelles.
Une fois de plus, ce dossier montre les distorsions de vue entre les Etats-Unis et le Vieux continent sur la mise en balance des libertés publiques et des objectifs de sécurité. Seul point positif, la deadline imposée à la fin du mois de juillet pour trouver un accord accélérera peut-être le processus de négociation. Les compagnies aériennes pourront ainsi bénéficier d’une relative sécurité juridique qui fait actuellement défaut en l’absence d’un point de vue commun en Occident.

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