vendredi 11 mai 2007

Les derniers déboires législatifs de l’Utah...

Décidément, l’Utah est devenu un véritable laboratoire des fausses bonnes idées en droit de l’internet ! Il y a un mois, vous aviez eu l’occasion d’observer, grâce à Spiderlaws, toute la fantaisie du « Trademark Protection Act » voté par cet Etat. Rappelons que cette nouvelle loi, qui permet l’enregistrement de n’importe qu’elle mot en tant que « marque électronique » empêchant par la même l’usage de celui-ci en tant que mot-clé, a fait l’objet de vives critiques en ce qu’elle condamne à terme la logique des liens publicitaires. Depuis, a eu lieu un meeting entre le législateur de l’Utah et les principaux acteurs concernés par cette loi absurde avec pour chefs de fil Google, Yahoo, Microsoft et Ebay. Selon le « Salt Lake Tribune », les représentants de cet Etat ont ainsi eu l’occasion de réaliser tout leur manque de pragmatisme... pour ne pas dire leur bêtise lamentable. Pour preuve, le républicain David Clark a ouvertement déclaré : « Il aurait fallu que nous rencontrions ces industriels il y a 60 jours... Nous aurions ainsi pu faire beaucoup mieux ». Cela n’aurait pas été difficile puisque les débats entre les représentants et les entreprises du secteur ont montré que les premiers ne savaient même pas que nombre de sociétés achètent régulièrement des mots-clés sur lesquels des tiers ont des droits... C’est à se demander si l’Utah n’est pas une île perdue au milieu du Pacifique, déconnectée du réseau internet !
Toutefois, si cette affaire burlesque semble se terminer par une inapplication du « Trademark Protection Act » décidée implicitement, un autre scandale législatif a émergé ce mois-ci. Il s’agit du « Child Protection Registry » - registre de protection de l’enfance – qui fut mis en place par les représentants de l’Utah il y a deux ans. Il consiste en ce que chaque parent puisse enregistrer l’adresse mail de son enfant dans un registre spécial à destination des publicitaires. Ces derniers, en cas de campagne inappropriée pour la sensibilité des jeunes de l’Utah, sont invités à le consulter et à filtrer ces adresses dans leurs bases de données. L’idée était à la base louable à l’instar de celle qui sous-tendait le loufoque « Trademark Protection Act ». Mais la mise en pratique s’est, par la suite, révélée catastrophique.
Premièrement, la perspective de limiter les spams sur leur boîte, a poussé un nombre conséquent de majeurs à s’enregistrer dans cette liste pour laquelle il s’avère difficile de vérifier l’identité et l’âge des inscrits. Dès lors le « Don’t Email the Kids Registry » s’est très vite transformé en « Don’t spam anybody Registry »... Deuxièmement, la mise en place de ce registre a très vite été critiquée en raison de l’intention des représentants de l’Utah qui fut plus de créer une taxe sur l’envoi d’emails que de protéger les enfants. En effet, chaque entreprise désirant envoyer des publicités – ou des spams – doit payer pour consulter ce registre. Bien évidemment, les sociétés flirtant avec l’illégalité du fait du spamming ont été peu à se plaindre de cette intention condamnable du législateur de l’Utah. Toutefois, ce n’est pas cette situation finalement très courante qui démontre tout l’amateurisme des représentants de cet Etat. En fait, à l’instar du voleur volé, l’Utah est devenu le « ponctionneur » ponctionné... Il était prévu initialement que la mise en place du registre rapporterait 3 à 6 millions de dollars pour cet Etat. Au final, c’est moins de 200.000 dollars qui ont été récoltés. Sur cette somme, 80% ont été distribués à l’entreprise en charge du registre laissant un maigre pactole de 37.445 dollars à l’Utah. Mais le pire, c’est que l’Utah a dépensé plus de 100.000 dollars en frais d’avocats pour défendre ce registre contre des plaintes sur le fondement de la liberté d’expression et de la législation publicitaire...
Ainsi, au bout du compte, cette taxe s’est transformée en dépense publique pour un registre comportant des disfonctionnements latents !... Quelle sagacité de la part des représentants de l’Utah qui ne manquent pas une nouvelle occasion d’être la risée des juristes et médias américains. Il est grand temps que le législateur français se connecte sur le site officiel de l’Utah pour avoir connaissance de toutes les dernières idées à ne pas imiter en matière de droit des nouvelles technologies...

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