mercredi 9 mai 2007

Quand YouTube commet un crime de lèse-majesté...

Après des attaques récurrentes pour contrefaçon, YouTube fait l’objet d’une plainte sur le fondement d’une infraction aujourd’hui disparue dans la plupart des systèmes juridiques occidentaux : le crime de lèse-majesté... En France, cette infraction a été supprimée du Code pénal en 1832 même si certains spécialistes estiment que celle-ci est réapparue avec le délit d’offense envers un chef d’Etat dans la loi du 29 juillet 1881. Bref, dans cette affaire ce n’est pas la France mais la Thaïlande qui se réclame de ce crime contre Google et sa plate-forme d’échange de vidéos.
Sitthichai Pookaiyaudom, ministre thaïlandais des technologies de l’information et de la communication, a annoncé en ce début de semaine, qu’une action allait être engagée à l’encontre de YouTube en raison d’une vidéo « insultante » envers sa majesté Bhumibol Adulyadej dit Rama IX, roi de Thaïlande. Ladite vidéo, postée par un anonyme le 29 mars dernier, représente le roi thaïlandais à proximité de pieds ce qui est considéré comme une insulte grave dans ce pays... Cette action en justice fait suite à deux mises en demeure successives de la part de la Thaïlande demandant le retrait de cette vidéo pour lesquelles Google n’a donné aucune suite. Entre-temps, les autorités locales ont d’ailleurs bloqué l’accès à YouTube afin de s’assurer qu’aucun sujet ne puisse visionner cette vidéo infamante. Pour le ministre de la communication, l’attitude désinvolte de Google est due au fait que la Thaïlande est un petit pays car dès que la Chine exige que des données soient censurées, Google s’exécute sans réticence... Ainsi, le moteur de recherche, au-delà d’insulter le monarque thaïlandais, froisserait la susceptibilité des autorités locales qui se sentent dépourvues d’influence à côté de leur voisin chinois. Toutefois, la Thaïlande prend très au sérieux le crime de lèse-majesté puisque la sanction de cette infraction peut aller jusqu’à 15 ans d’emprisonnement. D’ailleurs, il y a peu, un citoyen suisse fut condamné à 10 ans de prison pour avoir vandalisé un portrait de sa majesté Bhumibol Adulyadej, avant d’être gracié par le souverain.
Au final, cette plainte de la Thaïlande risque d’avoir un effet pervers en ce sens que bien plus d’internautes sont maintenant tentés de la visionner. Sans compter que depuis cette annonce, un certain nombre de vidéos satiriques circulent sur le web et notamment une qui, par un montage, donne l’apparence d’un singe au roi thaïlandais. Cette atteinte au souverain risque d’ailleurs d’être considérée comme une insulte encore plus grave... du moins dans une conception occidentale de l’honneur.
En outre, cette censure n’aura certainement pas pour effet de faire de la publicité pour le régime thaïlandais perçu comme archaïque et autoritaire. D’ailleurs, un récent classement des pays en fonction du respect de la liberté d’expression établi par l’ONG « Freedom House » place la Thaïlande à la 127e place sur 195... Pourtant, la Thaïlande était jusqu’à présent un des meilleurs élèves de l’Asie du Sud Est mais internet a, semble-t-il, réveillé les pulsions policières de ce pays...

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